Étude CFD de l’aérodynamisme d’un bobsleigh – les facteurs clés
2022-07-21
Pendant les JO de Pyeongchang, il a beaucoup été question de l’équipe nigériane de Bobsleigh, faisant souvent référence au film « Rasta Rocket » et aux exploits de l’équipe jamaïcaine aux JO de Calgary 88. A cette occasion, des extraits du film ont été rediffusés dont les scènes d’entraînements qui mettaient en lumière les facteurs clés du Bobsleigh : la poussée, l’embarquement, le pilotage et la coordination.
1. La coordination d’équipe
La coordination dans les virages, c’est évidemment un élément clé du pilotage : comme en voiture ou en moto, se pencher dans les virages favorise la stabilité et facilite le pilotage. Mais la raison est aussi pour beaucoup… aérodynamique. Et pour visualiser le phénomène, rien de mieux que la simulation numérique en mécanique des fluides, appelé CFD.
Prenons une équipe de fier·ère·s et braves Extien(ne)s, Bob, Fabien, Steven et Justine, dont l’ambition est de briller aux prochains JO de Milan en 2026.
D’abord qui ? Quatre téméraires. Ensuite quoi ? Les JO !
Après avoir appris les rudiments du pilotage, ils se lancent fièrement à l’assaut de leur première descente, et les voilà déjà à 130 km/h. A cette vitesse, souvent atteinte par les bobeurs professionnels, les efforts aérodynamiques sont conséquents, et le moindre gain se traduit immédiatement en centièmes de seconde gagnés sur le chronomètre.
A 130 km/h, l’aérodynamisme de l’équipe est primordial.
2. Le positionnement
Pour leur première descente, nos fier·ère·s Extien(ne)s se sont plutôt bien débrouillé(e)s, mais on note quand même une grosse marge de progression. En effet, la position initiale de l’équipage a deux conséquences néfastes :
Toutes têtes dehors, la surface frontale (celle qui fait face à l’écoulement) est bien trop importante pour espérer faire un bon temps. L’air vient appuyer directement sur nos athlètes et les ralentit considérablement. La pression permet de visualiser les zones où l’air appuie sur les objets. Les zones en rouge sur l’image sont donc les principales responsables du ralentissement de notre Bobsleigh.
En étant aussi espacés les uns des autres, des zones de recirculation (des zones où l’air est fortement ralenti) apparaissent entre les athlètes. Ces zones contribuent elles aussi à ralentir fortement notre équipage.
La vitesse dans ce plan permet de voir l’impact de l’objet sur l’écoulement d’air. En règle générale, si l’écoulement ralentit (zone bleu), cela pénalise l’avancée du véhicule.
3. La performance aérodynamique
La performance aérodynamique d’un objet est calculée grâce au coefficient de pénétration dans l’air : le fameux Cx. Ce coefficient permettra de comparer plusieurs situations, puisque plus il est bas, meilleure est l’aérodynamisme du véhicule. Dans cette situation, le Cx de notre équipage de Cx=0.49 est moins performant qu’un monospace.
Forts de cette expérience, nos valeureux athlètes se lancent à nouveau du haut de la piste, mais cette fois-ci avec l’intention d’améliorer leur approche en se penchant tous en avant pendant la descente. Une fois de plus, ils réussissent à atteindre les 130 km/h, mais cette fois-ci dans de bien meilleures conditions. Le changement de la position des pilotes permet de réduire la surface frontale et les recirculations entre les pilotes. L’aérodynamisme des quatre compères est grandement amélioré, et le Cx chute maintenant à 0.39 !
Têtes baissées, il y a moins de surface exposée, donc moins d’appui sur l’air.
En se rapprochant les uns des autres, les zones de recirculation sont moins importantes et ralentissent moins le véhicule.
4. La performance du bobsleigh
Après plusieurs essais à perfectionner leur technique, mais sans vraiment réussir à améliorer leur temps, la bande décide de faire appel à Mehdi, l’expert aérodynamique du Bureau d’Etude CFD d'Extia Ingénierie car il a travaillé dans le sport automobile, notamment sur la voiture de Sébastien Loeb.
Il décide d’attaquer le problème sous un nouvel angle. Plutôt que de travailler sur le positionnement de l’équipe, il décide de modifier leur Bobsleigh. Son intuition est la suivante : si l’air les ralentit quand ils sont à pleine vitesse et si le vide présent entre eux est coupable de les ralentir, alors pourquoi ne pas dévier l’air pour l’empêcher de rentrer dans le Bobsleigh. Il construit donc un petit déflecteur qu’il place juste devant Bob, et nos ami(e)s s’élancent à nouveau sur la piste. Là encore ils atteignent les 130 km/h mais avec plus de facilité que les deux premières fois ! En effet, l’ajout du déflecteur permet de faire décoller l’air pour l’emmener au-dessus des membres de l’équipage. L’air contourne un peu plus les membres de l’équipe au lieu de taper directement.
Avec le déflecteur, l’air contourne plus facilement l’équipage.
Le pilote est le premier bénéficiaire de cette amélioration, et la zone de pression qui était présente sur son torse a disparu. L’aérodynamisme du véhicule s’est amélioré, et passe à 0.38, malgré l’ajout d’un obstacle sur le passage de l’air.
Le positionnement des pilotes, et leur alignement pendant la descente est donc un élément très important pour les bobeurs. Pour en revenir à la fameuse scène de Rasta Rocket, si les Jamaïcains s’entraînent aussi dur sur leur coordination d’équipe, c’est donc aussi parce que** l’alignement des athlètes joue beaucoup du point de vue aérodynamique**. Plus que jamais l’adage « pas une tête qui dépasse » est la clé.
Pour nos ami(e)s Extien(ne)s en revanche, la perspective d’une médaille sur la piste de Milan est encore loin. Toutefois, ils semblent sur la bonne piste si l’on regarde les athlètes des derniers JO : positionnement et face avant du Bobsleigh sont définitivement des facteurs importants.
Bien que plus subtil et aérodynamique que celui d’Extia Ingénierie, le déflecteur à l’avant du Bobsleigh est tout de même perceptible. Ici aussi, on redirige l’air vers le haut, pour le faire décoller au-dessus de l’équipage et limiter la recirculation dans le véhicule.
La position de l’équipage est fondamentale : abaisser la tête améliore la pénétration dans l’air, tandis que se coller les uns aux autres et boucher les espaces limite les zones de recirculation de l’air. La position du dernier membre de l’équipage est particulière : en arrondissant le dos, il réduit l’impact de la traînée aérodynamique à l’arrière du véhicule.
Créé en 2014, notre Bureau d’études CFD est spécialisé dans le traitement et le calcul numérique appliqué à la mécanique des fluides et à la thermique. Découvrez notre pôle d'expertise juste ici : Bureau d'études CFD.