Étude CFD - La perte de charge en mécanique des fluides
2022-10-14
Dans cet article, nous aborderons le problème concernant la perte de charge en mécanique des fluides avec l'explication physique du problème.
Le contexte
Lors d’une balade dans la ville de Chartres, Steven, expert du Bureau d'Études CFD d’Extia Ingénierie visite la fameuse cathédrale Notre Dame de Chartres. Durant cette visite, Steven s'aperçoit que le sol au milieu de la cathédrale représente une forme géométrique qui lui rappelle son enfance… un labyrinthe. Mystérieux pour certains, "magique" pour d’autres, le labyrinthe est la source de toutes les spéculations.
Pour le côté historique, le labyrinthe de la cathédrale Notre-Dame de Chartres est inspiré du Labyrinthe de Crète construit par l’architecte Dédale dans la mythologie grecque. Le roi crétois Minos y a enfermé un monstre – le Minotaure – qui se nourrit des enfants d’Athènes. D’après le mythe, Thésée s’est introduit dans le labyrinthe, a vaincu le Minotaure et s’en est extrait grâce à la fille du roi Minos, Ariane. En effet, séduite par le jeune héros, elle lui a donné un fil qui lui a permis de retrouver son chemin pour sortir du labyrinthe.
Plus d’informations sur le lien suivant : le labyrinthe de Chartres.
Mais quel est le lien entre le labyrinthe de la cathédrale de Notre-Dame de Chartres et notre problématique initiale : la perte de charge en mécanique des fluides ?
Pour Steven, la corrélation est évidente ! Utiliser la CFD (computational fluid dynamics = mécanique des fluides numérique) pour trouver la sortie du labyrinthe. L’idée : faire entrer un liquide ou un gaz dans le labyrinthe et constater numériquement le chemin parcouru. Le fluide va naturellement aller au plus vite à la sortie du système et rencontrer sur son chemin des obstacles qui provoquent des pertes de charge.
Les pertes de charge, quesaco ?
Les pertes de charge sont des chutes de pression dues à la résistance que rencontrent les fluides en déplacement : les actions de cisaillement occasionnent en effet des pertes énergétiques.
Il y a deux types de pertes de charge dans un système :
- Les pertes de charge linéaires qui représentent une perte de charge en ligne droite avec plus ou moins de rugosités.
- Les pertes de charge singulières qui représentent à peu près tout le reste. Cela peut aller du « coude » formé par la canalisation, à la grille. La perte de charge dépend de la vitesse du fluide (V), de ces propriétés physiques (en particulier la densité ρ) et de la géométrie. Pour une géométrie donnée, il est possible d’avoir un coefficient de perte de charge (ξ) que l’on peut déterminer à l’aide de plusieurs calculs ou à l’aide d’abaque.
Avec une succession de coudes en série (identique à un système électrique), il est possible de voir chaque système comme une somme de pertes de charge. La plupart des systèmes complexes peuvent être simplifiés par un coefficient de perte de charge.
Prenons l’exemple d’un labyrinthe avec seulement une entrée et une sortie :
Grâce au logiciel de calcul Ansys Fluent du bureau CFD, la simulation peut être réalisée avec n’importe quel fluide comme de l’eau, de l’hydrogène sous forme gazeuse (gaz très tendance) ou un fluide beaucoup plus visqueux comme du miel ou du ketchup.
L’échelle de la cartographie est en vitesse relative (vitesse normée par rapport à la vitesse d’entrée). L’échelle est saturée pour les vitesses supérieures à l’entrée pour avoir une meilleure visibilité des résultats. Cette méthode est souvent utilisée dans l’automobile et notamment dans le sport automobile pour comparer différentes vitesses.
Pour cet exemple, nous utilisons de l’eau avec une vitesse d’entrée de 1 mm/s.
Il est intéressant de s’apercevoir que le fluide trouve assez facilement les différents chemins possibles pour se diriger vers la sortie. En suivant la zone colorée en rouge, vous pouvez observer la solution. Quelques bifurcations sont présentes par moment, mais le fluide n’hésite pas. Dans ce cas, le fluide est très peu perturbé puisque sa vitesse n’est pas élevée (en CFD, on parle de régime laminaire). En s’imaginant à la place du fluide dans ce labyrinthe, c’est comme si vous marchiez sereinement en connaissant le plan à l’avance.
Maintenant, l’eau en entrée est insérée avec une vitesse de 1 m/s :
Avec cette nouvelle vitesse d’entrée, l’eau hésite sur certains passages. Les zones où l’eau se sépare et prend plusieurs chemins s'expliquent par la présence d’une perte de charge proche entre les deux chemins choisis. Cela peut également être dû à l'eau qui rencontre un obstacle avec une vitesse assez conséquente pour se séparer en deux flux.
Imaginons cette fois-ci que vous courez dans le labyrinthe. Quel est le but ? En sortir le plus vite possible. Seulement vous ne courrez pas seul, vous êtes très nombreux. Lorsqu’un obstacle apparaît devant vous comme un mur et que vous savez que le chemin est légèrement plus long d’un côté par rapport à l’autre, que se passe t-il ?
Logiquement, le groupe de personnes va alors se séparer en deux avec la majorité qui va se retrouver sur le chemin le plus court et la seconde partie qui va faire un léger détour. Nouvel exemple : la vitesse reste inchangée (1 m/s) et une deuxième sortie beaucoup plus petite est ajoutée afin de complexifier le modèle :
La nécessité de bien assimiler la notion de la perte de charge va être plus importante ici puisque l’eau a désormais deux possibilités de sortie. Dans une telle situation, un ratio de débit entre les deux sorties va alors s’effectuer afin d’obtenir une perte de charge similaire (chaque chemin entraîne la même perte de charge). Pour avoir une perte de charge similaire au niveau des deux sorties, il faudrait avoir un débit de 60% pour la sortie la plus grande et de 40% pour la plus petite. Souvenez-vous que la perte de charge est une fonction de la vitesse : plus la vitesse est élevée, plus la perte de charge est élevée.
La perte de charge singulière
Enfin, consacrons nous à la compréhension de la perte de charge singulière en balayant deux exemples.
Dans le premier exemple, considérons que nous sommes Sangoku. Deux obstacles se sont ajoutés à notre labyrinthe :
- un obstacle situé au milieu du labyrinthe illustré par Végéta et qui est très difficile à vaincre.
- un obstacle de fin de parcours qui nous semble plus accessible et qui est représenté par Yamcha.
Les deux obstacles présents dans le labyrinthe représentent des pertes de charges équivalentes à la difficulté pour continuer le parcours.
Le résultat est sans appel. On observe que l’eau évite totalement l’obstacle le plus difficile et préfère faire un détour, voir demi-tour. La perte de charge ajoutée dans la partie centrale peut s’apparenter à un mur pour notre fluide. Bien sûr, si le choix se présente, un humain préférera éviter un effort pour faire un petit détour (choix de la facilité). Pour rester sur notre image, il est préférable de faire un détour au lieu de se battre contre Végéta car la victoire paraît difficile pour atteindre l’arrivée le plus rapidement possible.
Pour la sortie, le problème est légèrement différent. L’eau est gênée par cet obstacle mais il n’est pas suffisant pour bloquer totalement l’eau. L’effet produit : une réduction du débit à cette sortie passant de 60% à 50%.
Dans le deuxième exemple, le “boss accessible” Yamcha est remplacé par le boss de fin d’un jeu vidéo, ici Freezer :
Sans aucun doute la perte de charge a fortement augmenté en sortie provoquant un très faible débit. Pour réussir le plus rapidement possible à résoudre l’énigme de ce labyrinthe, il est préférable d’éviter ce boss de fin et de passer par la solution la plus simple. Cependant, le débit de sortie n’est pas nul donc logiquement, nous savons qu’il est possible de battre le boss de fin pour sortir.
La perte de charge dans la vie quotidienne
Prenons l’exemple de votre domicile ou votre bureau : le circuit d’aération est un jeu de perte de charge qui permet d’avoir le bon débit dans toutes les pièces. En effet, deux pièces distinctes doivent avoir le même débit d’air frais alors que le chemin peut être plus long entre le générateur d’air frais et ces deux pièces. Il est alors possible d’ajouter des appendices pour équilibrer les débits.
Une autre analogie peut se présenter lorsque vous conduisez. Deux options sont possibles :
- 1ère option : vous empruntez l’autoroute payante avec des obstacles (comme des péages ou des embouteillages)
- 2ème option : vous prenez la route nationale plus longue et moins rapide.
Dans ce cas, la logique du calcul de la perte de charge prend tout son sens : comment arriver le plus vite et à moindre coût ?
Conclusion
Les pertes de charge sont présentes dans tous les domaines de l’industrie où un fluide entre en action. L’ajout de perte de charge singulière est souvent utilisé dans les circuits pour équilibrer des débits.
Dans le domaine de l’industrie, la perte de charge va permettre de choisir la bonne pompe ou le bon ventilateur (pour un circuit hydraulique ou pour un circuit de climatisation d’une voiture). Plus la perte de charge du circuit est élevée, plus il faudra une alimentation puissante en fluide. Il est alors possible de faire des analyses systèmes de certains problèmes. Enfin, il est capital de vérifier l’effet 3D des problèmes, surtout pour des circuits complexes.
Si vous avez des problématiques en lien avec les pertes de charge ou la mécanique des fluides numérique, les experts du Bureau d'Études CFD se feront un plaisir de vous accompagner : cfd@extia-inge.fr